Ce mardi, les chefs de file de l’opposition Les Républicains (LR) ont annoncé avoir saisi le procureur de la République sur le sujet.
On savait Gérard Collomb premier supporter d’Emmanuel Macron. Pour avoir déclaré très tôt sa flamme à l’ancien ministre de l’économie, le maire de Lyon et président de la Métropole (autrefois PS devenu LREM) a été récompensé par un portefeuille ministériel. L’actuel président de la République s’est également souvenu que l’élu socialiste avait largement œuvré pour la réussite de sa campagne.
Mais dès au lancement de cette campagne présidentielle en juin 2016, les élus Les Républicains se sont interrogés sur un possible coup de pouce inapproprié venu de la Métropole et de la Ville de Lyon.
Plus les mois passent et plus les questions s’accumulent. Et les réponses ne sont pas satisfaisantes, estime le président du groupe LR au conseil municipal, Stéphane Guilland :
« Nous avons posé des questions, nous n’avons eu que des réponses partielles ou pas de réponse du tout ».
Mettant leur menace à exécution, Stéphane Guilland et le maire de Caluire, Philippe Cochet (le chef de l’opposition à la Métropole) ont annoncé avoir saisi le procureur de la République de Lyon.
Ils l’ont fait lors d’un point presse ce mardi, en reposant la question centrale :
« Des moyens des deux collectivités ont-ils été utilisés dans le cadre de la campagne présidentielle ? »
Ils avaient formulé la même demande en avril à la Chambre régionale des comptes qui leur a gentiment répondu que vérifier les comptes de campagne n’entrait pas dans sa compétence, mais que ce serait « vérifié lors du contrôle de ces collectivités tous les deux/trois ans », selon Philippe Cochet.
De son côté, Stéphane Guilland essaye de ne pas accabler la Commission nationale des comptes de campagne qui a approuvé les comptes malgré toutes les ristournes (lire ici et là). Pour lui, il s’agit d’un problème structurel :
« Je ne critique pas cette Commission nationale. Mais c’est un fait. Elle n’a pas de moyens d’investigation. »
Il ajoute :
« Notre plainte auprès du procureur a pour but, précisément, de déclencher des investigations que nous ne pouvons pas mener. (…) Mis bout à bout, ça commence à faire beaucoup. Au-delà de Mr Macron, c’est un système que nous tenions à dénoncer en le portant à la connaissance du procureur. C’est à la Justice de dire si ces faits sont constitutifs d’un délit. »
Dans leur plainte déposée le 11 juin, les responsables de l’opposition LR mettent en avant cinq points. Nous les passons en revue.
1. La réception en l’honneur du ministre de l’économie à l’hôtel de ville en 2 juin 2016
Le 2 juin 2016, alors que l’Emmanuel Macron n’était encore que ministre de l’Economie, il s’était déplacé à Lyon. A l’hôtel de ville, le maire Gérard Collomb l’avait reçu en grande pompe en invitant 600 personnes. Sur le carton d’invitation, il était indiqué une réception à destination des « forces économiques et créatives ».
A l’époque déjà, l’opposition LR avait vu rouge et dénonçait une campagne déguisée de fundraising puisque les élus LR n’avaient pas été invités et que le ministre venait de lancer son mouvement En Marche !, qui devait l’amener vers l’élection présidentielle.
Depuis près de deux ans, le chef de file de l’opposition de droite, Stéphane Guilland, réclame des précisions. Il a déjà obtenu les factures correspondant à cette soirée. Il veut désormais connaître la liste des participants pour savoir si cette réception correspondait aux habitudes d’un « accueil républicain ».
« On nous dit qu’il s’agit de la même réception que pour Bernard Cazeneuve (à l’époque ministre de l’Intérieur, ndlr), quelques mois auparavant. Il nous faut des éléments de comparaison. Nous avons demandé la liste des participants mais on nous a répondu qu’il faudrait demander la permission à chacun pour divulguer les noms ».
2. Le double-emploi de Jean-Marie Girier : chef de cab de Collomb et stratège de la campagne de Macron
En décembre 2016, nous expliquions que Jean-Marie Girier avait joué un rôle important dans la campagne d’Emmanuel Macron alors qu’il était encore le chef de cabinet de Gérard Collomb à la Métropole.
Dans une lettre de mars 2018 adressée au président de la Métropole, les Républicains s’interrogent sur ce collaborateur qui « utilisait non seulement du temps, mais surtout des moyens de la Métropole, comme des boites mails, des bureaux, des moyens de transport pour faire campagne pour le candidat de La République En Marche (sic) ».
Dans son courrier de réponse, David Kimelfeld affirme que les activités militantes de Jean-Marie Girier ont entrainé une modification de son contrat de travail avec un passage à temps partiel (70%) le 17 octobre 2016.
Le 6 décembre, Jean-Marie Girier démissionnait de son poste à la Métropole pour devenir le directeur de campagne d’Emmanuel Macron.
Problème, ce spécialiste de la carte électorale s’était déjà montré très actif avant même son passage à temps partiel, notamment en effectuant des déplacements à Aurillac, Rennes ou Strasbourg, comme le relevait Mediacités. Un membre du cabinet de Gérard Collomb affirme désormais qu’il a milité durant ses jours de congés.
3. L’arrêté de stationnement pour le meeting de Macron pris par le cabinet
Le samedi 4 février 2017, Emmanuel Macron tenait son grand meeting lyonnais au Palais des Sports de Gerland.
Dans pareille situation, ce sont les équipes de campagne du candidat qui doivent demander à la Ville de Lyon les interdictions de stationner nécessaires au bon déroulement de l’événement.
Dans le cas de ce meeting, les Républicains ont relevé dans le Bulletin Municipal Officiel de la Ville de Lyon du 6 février 2017 qu’un arrêté de réglementation provisoire de stationnement des véhicules pour le meeting au Palais des Sports avait été pris à la demande du Cabinet du Maire-service protocole.
4. Utilisation du local de la Métropole de Lyon pour une rencontre entre Macron et Juppé
En mars dernier, Le Figaro reprenait les bonnes feuilles du livre post-campagne de l’ancienne alliée du maire de Bordeaux, Virginie Calmels. Celle-ci révélait qu’une rencontre secrète entre Alain Juppé et Emmanuel Macron s’était déroulé après le 1er tour de la présidentielle, dans les locaux de la Métropole de Lyon situés à Paris, rue de Vellersexel dans le 7e arrondissement.
Cet appartement loué environ 300 000 euros par an depuis 1991 abrite la représentation du Grand Lyon, aujourd’hui Métropole de Lyon. Deux employés y travaillent à plein temps.
Les Républicains ont tout d’abord demandé au président de la Métropole des précisions sur cette rencontre puis la liste de tous les utilisateurs de ces locaux parisiens durant la campagne présidentielle. Ils n’ont pas obtenu de réponse. Philippe Cochet :
« Dans un second courrier, David Kimelfeld, nous dit qu’il n’y a pas de planning de réservation pour ce local. En clair, cela veut dire qu’on y fait ce qu’on veut. Il nous coûte plusieurs milliers et on ne sait pas ce qui s’y passe ».
5. Quand la Métropole est mêlée à une soirée électorale sur une péniche
Au début de ce mois de juin, France Info révélait de belles ristournes au profit d’En Marche, pendant la présidentielle, à Paris et à Lyon. A Lyon, l’apéro sur la péniche La Plateforme en septembre 2016 a fait l’objet d’une facture d’un montant total de 996 euros TTC alors que les prix pratiqués avoisinent plutôt les 3 000 euros.
Cette facture a fait tousser l’opposition municipale qui se souvient qu’à la rentrée 2013, à quelques mois des municipales de 2014, l’équipe du candidat Michel Havard avait voulu louer la Plateforme pour lancer la campagne de leur candidat. Comme le rapporte Lyon Capitale, la droite avait finalement renoncé devant le devis qui leur était présenté, à savoir 7 117,99 euros TTC.
L’actuel chef de l’opposition municipale a même toussé deux fois. Stéphane Guilland souligne que, dans ce même article de Lyon Capitale, la responsable commerciale de la péniche, déclare que la facture a d’abord été envoyé à la Métropole « car c’était quelqu’un de la Métropole qui en a fait la demande”.
L’élu LR s’interroge :
« Est-ce normal, dans le cadre d’une campagne, qu’un membre de la Métropole de Lyon passe commande pour En Marche ? »
Désormais, c’est au procureur de la République de trouver les réponses à cette question et à toutes les autres.
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